jeudi 2 janvier 2014

Anne Archet : "J'écris de la pornographie"

En guise de bienvenue en 2014, voilà ci-dessous la reprise d'un texte de Anne Archet particulièrement pertinent, intelligent, repris sur son compte Facebook. 
Une fille à suivre, à lire. 

***

J’écris de la pornographie.
Pas de la littérature érotique
Encore moins de la littérature tout court.

Certes, j’écris un tas d’autres choses
Des trucs sérieux, des trucs présentables
Des phrases avec des subordonnées relatives
Des textes que je fais lire à ma mère
Et que je signe avec mon vrai nom

J’écris aussi des textes moins présentables
— Du moins, que je ne fais pas lire à ma maman
Où je vocifère et je crie contre l’absurdité du monde
Contre tout ce qui soumet, méprise, écrase et opprime
De longues litanies exaltées nées de mon désir forcené
De vivre pleinement, dans l’extase sublime
Et la jouissance sans fins et sans entraves

J’en ai même écrit sur le sexe
Pour que les gens parlent
De sexe
Pour qu’ils réfléchissent
Sur le sexe
Pour qu’ils mouillent et bandent en pensant
Au sexe
Et qu’ils admettent aimer
Le sexe

Jusqu’ici, rien d’inavouable, me direz-vous
Les progressistes
Les féministes
Les lesbiennes
Et probablement toute la foutue gauche
M’appuient avec un sourire complice,

Parce que voyez-vous il est de bon ton d’adopter une attitude décomplexée sur un aspect vous l’avouez on ne peut plus naturel et sain même si trop longtemps réprimé par les élites puritaines et hypocrites de notre condition humaine dans le cadre d’un mode de vie offrant la place qui lui convient à l’érotisme qui n’est-ce pas est le sel de l’existence et puis ce n’est plus comme avant on peut maintenant exprimer nos désirs légitimes nos envies et nos fantasmes sans passer pour une dévergondée après tout nous sommes entre adultes consentants et il y a moyen de faire tout cela d’une manière respectueuse de l’intégrité physique et morale des personnes et qui n’est pas dégradante et qui ne salit pas les draps vous prendriez bien un peu plus de thé très chère?

Mais la pornographie… par contre…
La pornographie, c’est une toute autre histoire.

La pornographie, ça n’a rien à voir avec
L’expression artistique de la sexualité
L’exploration littéraire de la sexualité
La psychologie sexuelle des personnages
Le style et la subtilité des mots du sexe

La pornographie n’a à voir qu’avec le sexe
Le sexe
Juste le sexe
Le sexe tout court
Mais la plupart du temps, très gros
Et très grossier

La pornographie c’est des queues, des cons et du foutre
— Non, c’est plutôt des graines, des plottes et de la dèche
La pornographie c’est tenir ses mains au dessus de sa tête
Pendant qu’il la fourre
Pendant qu’il lui bourre le cul
Pendant qui lui enfonce la bite dans la bouche
Avant de lui tartiner le visage de sperme
La pornographie c’est la baiser jusqu’à ce qu’elle soit épuisée
Mais toujours dégoulinante et prête à se faire mettre
Malgré ses quelques protestations de fausse mijaurée
La pornographie c’est ramasser un auto-stoppeur timide
Et le soumettre bâillonné à une secte de harpies nymphomanes
Qui l’enculent toute la nuit avec leurs godes-ceinture
Jusqu’à ce qu’il éjacule en criant maman

La pornographie n’est ni éthique ni morale
La pornographie n’est pas un humanisme
La pornographie que j’écris
Ne sent pas l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Ne chante pas les transports de l’esprit et des sens
Elle sent la pisse et le fauve
Elle a la consistance gluante du KY merdeux
Qui souille le gland hilare du sodomite
Elle est plissée comme un scrotum
Elle a la couleur d’une petite culotte tachée
Elle se fout du consentement
De l’union sacrée entre deux êtres
Elle en a rien à branler
De la dignité de la personne humaine

La pornographie mérite rarement mieux qu’un pseudonyme
Et reste la plupart du temps sans signature
Sans famille
Sans foi
Ni loi

La pornographie est un furoncle
Sur le visage du progrès et des droits humains
Les progressistes s’en détournent avec dégoût
Les féministes veulent en faire un autodafé
Les lesbiennes la lisent en cachette sous les draps
Et probablement toute la foutue gauche
Préférerait qu’elle n’existe tout simplement pas

Voilà le genre d’ordure que j’écris
Voilà le genre de saleté que je ne signe jamais
Voilà le genre de crasse que je produis pour de l’argent
Ce qui fait de moi rien de moins qu’une pute
Du genre qui baise n’importe qui
N’importe quoi, n’importe quand
S’il y a de l’argent à la clé
Même si sa plotte est sèche comme du bois

En réalité, sa plotte n’est pas sèche
Je mouille comme une vieille maquerelle
Je tortille mon cul sur ma chaise de bureau
En écrivant tous ces mots orduriers
Ces mots infréquentables
Dénués de toute prétention littéraire
Qui giclent de mon sexe
Surtout pour l’argent
Mais aussi pour
Le feu qui dévore
Mes entrailles

Je brûle de fièvre
J’ai les cuisses enduites
De mouille poisseuse
Je me consume de désir
Je meurs

Et c’est ce qui fait
Que ça en vaut
La peine.

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