Il y a un paradoxe amusant dans le fait que le
gouvernement encourage par tous les moyens les citoyens à boire du
cognac et à griller de l'herbe puante, et dans le même temps, arrête et
condamne les satyres qui ne font en somme que tenter d'exercer une
fonction parfaitement normale mais compliquée à plaisir par les préjugés
et autres règlements. Ou plutôt, il n'y a pas de paradoxe ; ce sont les
deux aspects d'une conspiration pour le nuisible. Car il est
parfaitement sain, physiquement parlant, de se livrer avec une
partenaire choisie à toutes les possibilités du joyeux mystère, selon la
plaisante expression de nos pères ; tandis que l'on attrape des
cirrhoses à boire de l'alcool.
[...] puisque l'amour, qui est tout de même, je
le répète, le centre d'intérêt de la majorité des gens sains, est barré
et entravé par l’État, comment s'étonner que la forme actuelle du
mouvement révolutionnaire soit la littérature érotique ?
Oui, les vrais propagandistes d'un ordre
nouveau, les vrais apôtres de la révolution future, future et
dialectique, comme de bien entendu, sont les auteurs dits licencieux.
Lire des livres érotiques, les faire connaître, les écrire, c'est
préparer le monde de demain et frayer la voie de la vraie révolution.
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Ecrits pornographiques précédés de l'Utilité d'une littérature érotique, Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1980 - Utilité d'une littérature érotique, p. 34 et 35
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